alain sounier, psychanalyste, photographe, peintre ... 
 

sounier@me.com

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Les sons de jade ne se faisaient pas encore entendre, les constellations n’étaient pas encore en place. C’est alors que soudain les souffles célestes se répandirent, se mêlèrent et se nouèrent au milieu du Grand Vide, créant la musique universelle des Huit Vents : voici qu’ils s’accumulent, se joignent, se mêlent, tourbillonnent dans l’Empyrée Pour- pre. Suivant les phases du dao, tantôt ils apparaissent, tantôt ils disparaissent. Ces souffles deviennent signes. Indéfinissables : ni fumée, ni poussière, ni brume, ni nu- age...., Ils mesurent dix mille toises de hauteur et leur son s’accorde à celui des Huit Vents. Ainsi se manifesta la merveilleuse essence de la création, la sublime floraison des Cinq Éléments.

Cette harmonie pure du Grand Dao se répandit à travers le Vide Parfait. Les Immor- tels Célestes vénérèrent cette sainte révélation et en firent copie. Quels signes étranges ! à la fois ronds et angulaires, bizarrement conformés, enchevêtrés et dédaliques ! Cer- tains les appellent « écritures parfaites», d’autres « sans image ». C’est là le trésor des hauts cieux que nul ne peut saisir dans le monde ici-bas.

Ils furent cachés dans un sac de brocart de nuages, et gravés sur des tablettes d’or pourpre, puis distribués aux Cinq Anciens, afin qu’ils donnent naissance aux dix mille contrées. C’est ainsi que le ciel est fixé par les Cinq Planètes, et la terre gérée à partir des Cinq Pics Sacrés. Le temps est ordonné en Cinq Cycles, tandis que la société des hommes est gérée par les Cinq Principes. Tout ceci vient des écrits sublimes des Cinq Ancêtres, qui possèdent la quintessence des Cinq Éléments. Grâce à eux, on pourra protéger le pays et connaître la paix dans sa maison, rétablir l’ordre et écarter les mau- vaises influences...

(Rituel du Suqi du Registre d’Or, manuscrit taoïste)

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À vif…

Petit garçon dénicheur, tombé poussé de l’arbre : jambe brisée, gonflée comme un ballon de rugby ! Os en vrac, enchevêtrés, irréparables alors, leur interdire un temps de se souder en zig-zag, jusqu’à ce qu’un homme, le cœur battant, se risque à les enfiler comme des perles, à les embrocher… à vif.  Allongé trois années, de peur que la jambe ne se brise encore, et encore… Depuis le divan, vision de biais sur la fenêtre du salon, dehors, les bruits du monde évanoui. Corps immobile, vision intérieure … faire resurgir la substance perdue, son image réelle, la transcrire sur le papier avec les  rêves, les fantasmes, dessiner, peindre, créer.  Plus tard, choisir la photographie comme prolongement encore, et encore de son œil, et de sa vision magique. Voir l’étoffe du réel dans son cadre, le voir apparaître dans son embrasure, laissant poindre le sujet dans sa double incidence à l’imaginaire et au symbolique. Puis devenir psychanalyste pour éveiller en sa conscience encore, et encore cette obscure intimité.
Alain Sounier est psychanalyste et photographe

Brigitte Baptandier, ethnologue, 2018  
 

 

 

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Créer à partir de mes peintures un lien avec la photographie, faire se rejoindre la pellicule sensible du photographe et les matériaux organiques du peintre. L’encre, le papier, l’eau, les couleurs, le rêve. Faire saillir les défauts, les déconstructions, les reconstructions, les plis. Mettre en lumière, voir en transparence, en reflets, en flou, en miroir, dans l’angle des prises de vue. Peinture fugitive, mémoire de l’éphémère fixée sur le papier argentique. Seul reste l’instant choisi, sublimé, création renouvelée.

alain sounier
sounier@me.com

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Ces couleurs.

Ces couleurs, ces paysages, ne sont pas de notre monde, Ce monde que l’on embrasse d’un regard parfois fatigué. Couleurs ? Très éclatantes, très sonores, très jaillissantes. Paysages ? Liberté donnée à celui qui s’y promène.

Ce déferlement crée un choc, ravive d’anciennes mémoires.

De menues incursions, à peine une brindille, peut-être un fil de lumière, font s’animer le tableau. Et alors, vous voyez dans un frémissement de lignes, jaillir tout un monde de signes.

Et vous distinguez, flottants, de petits personnages qui vous observent d’un regard silencieux. De très anciens totems dérivent, bras en croix sur le fleuve noir. Et tout ou presque se noie. Même ces visages blancs, sans vie presque, que seuls les remous de l’eau parviennent encore à rider.

Cascades de lumière dans la nuit. Foules, foules, plusieurs fêtes en même temps. Sous les feux de la rampe, des spectacles exceptionnels. Qui regarde qui ? Qui acteurs, qui spectateurs ? C’est soudain devenu sans importance.

Au détour de la promenade, le paysage s’apaise. Printemps revenu. Bleues, jaune vif, roses, mauves, les fleurs sans pourquoi folâtrent sur un lit de fougères. Toutes sortes d’êtres que l’on ne voit pas d’habitude apparaissent.

Mais dès que l’on veut saisir quelqu’un ou quelque chose,
La chose s’évanouit, disparaît, remplacée par une autre.
Nous voici débarrassés de l’esprit d’autorité, nous voici allégés, libres d’aller et de venir par ces passages qui toujours s’ouvrent sur de nouveaux paysages. Et, cadeau suprême, à chacun ses propres déambulations.

Une somptueuse harmonie finit par l’emporter sur tout le reste. Dès le premier regard posé, cette cohérence était là. Sans doute fallait-il parcourir tous ces sentiers, rencontrer tant de personnages si divers, embarquer sur ces étranges gondoles, croiser tant d’animaux fantastiques, pour réaliser que, dans l’éternel présent, ces couleurs sont. Des couleurs telles que certains les ont décrites au retour d’un voyage aux

frontières de la mort : « couleurs vives, pas du tout comme sur terre, indescriptibles. »

Pour nous les donner à voir, il fallait l’abandon léger à la matière d’une main connaisseuse des méandres du cœur, de ses nœuds qui semblent parfois faire obstacle, il fallait une main sûre, une main devenue amie de la nature et des élans du cœur.

Isabelle Clerc, journaliste et écrivain, 2018

 
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[...] en ce qui concerne l’art, je souhaiterais que [la photographie] n’eut jamais été découverte, elle rendra l’oeil trop difficile pour qu’il accepte de se contenter d’une sim- ple interprétation ». John Ruskin

Dans le travail d’Alain Sounier, la peinture flirte ostensiblement avec la photographie au point qu’il est impossible de savoir ce qui précède l’une ou l’autre.
Si l’histoire d’amour entre ces deux médiums est un sujet en soi, elle a été très souvent contrariée par les critiques. À la naissance de la photographie à la fin du XIXème siècle, des peintres tels que Jean-Auguste- Dominique Ingres et Puvis de Chavannes signent une pétition contre la photographie, effrayés par la capacité que cette dernière a de transcrire le réel. La peinture et la photographie connaissent ainsi à maintes reprises et dans maintes pratiques des oppositions et des jalousies poussant certains à parler de relations passionnelles entre elles.

Chez Alain Sounier, ces deux techniques se rencontrent au point d’achoppement qu’est leur réconciliation. L’une et l’autre s’unissent pour capter une image quasi insaisissable. A l’inverse d’autres artistes qui utilisent la photographie pour peindre, ici à l’aide de mélanges quasi alchimiques, l’artiste réalise des peintures faites à partir d’eau et d’encres. Ces dernières sont condamnées, par les matériaux utilisés pour les produire, à disparaître au bout de quelques minutes. C’est à cet instant que la photographie intervient pour fixer l’instant. Ce qu’il en reste, c’est un moment vu par l’œil du photographe, trace du temps encadrée au mur. Ces œuvres semblent flotter dans un entre monde, à la fois abstrait et figuratif, conscient et inconscient. Le spectateur conserve longtemps après les avoir vus un sentiment d’inquiétante étrangeté ou d’une inquiétante familiarité. Comme si toutes les images produites avaient une histoire très ancienne quasi mythologique et qu’elles provenaient d’une époque enfouie. Ces photographies sont celles d’un avant comme d’un après, elles semblent refléter une durée courte mais éternelle, en somme elles incarnent ce qui est éphémère.

Marion Vasseur Raluy, commissaire d’exposition et critique d’art, 2018

 



 

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